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Au Port de la Lune
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28 septembre 2014

ENEMIS

J'avais été estomaquée par son adaptation au cinéma de la pièce  "Incendies" de Wajdi Mouawad, j'avais adoré son "Prisoners" et les questions dérangeantes qu'il pose à chacun de nous... il me fallait voir  le dernier opus de Denis Villeneuve, "Enemy" (cette préférence pour les titres en un seul mot, sacré sens de la synthèse).

Comme souvent, je m'étais emmêlé les pinceaux en consultant les programmes, j'avais même cru que le film ne passait nulle part à Bordeaux ou dans la CUB. Pas à l'Utopia , effectivement -pourquoi, pourquoi, déjà pas  Prisoners, pourquoi pourquoi ?- mais pour le reste, je m'étais trompée. On le trouvait au Mégarama (en VF, non merci), à l'UGC Ciné Cité (ok, mais les horaires ne me convenaient pas), et au Jean Eustache à Pessac. 4 euros la séance à midi quinze, une fois par semaine, me voilà partie. Les deux films précédents accumulaient fausses pistes, indices douteux et vérités incroyables au long de quêtes au potentiel philosophique et émotionnel fort (très fort), nous retournaient comme des crêpes et au tout dernier moment ajoutaient au puzzle ainsi constitué LA pièce manquante... Hop, tout prenait sens, le tableau apparaissait dans son entier, si différent de ce qu'avaient laissé supposer les versions tronquées. Aussi, quand le film a débuté par une scène qui m'a mise extrêmement mal à l'aise, j'ai pensé que je saurais, une heure et trente minutes plus tard, si elle était réalité ou fantasme, et le rôle qu'elle jouait pour le personnage principal qu'on y voyait, attentif et tendu. Quand ce professeur de fac un peu lourdaud a découvert dans un film loué un acteur lui ressemblant énormément, j'ai cru que je comprendrais plus tard pourquoi cela l'affolait tellement. J'ai adhéré à l'ambiance terreuse et flippante (si Toronto ressemble vraiment à cela, aya); je me suis délectée du jeu de Jake Cyllenhaal, qui parvient avec subtilité à indiquer des personnalités très différentes dans un même corps; j'ai adoré ne plus savoir où j'en étais ni qui était qui; j'ai, confiante, pensé que la clef qui donnait accès au lieu secret d'inavouables pratiques sexuelles de la première scène serait la clef de l'histoire. Quand le personnage s'est tourné vers sa femme occupée dans la cuisine de leur appartement, et qu'en lieu et place de la ravissante blonde il a vu une immense et immonde araignée, j'ai pensé : bordel, il va pas nous laisser là ? Et puis si bien sûr, c'était une impasse, il nous a laissés là. 

J'ai lu le soir même une interview de Denis Villeneuve dans laquelle il raconte "ce qui se passe en fait" dans ce film, et cela m'a laissée froide. Son histoire n'est pas la mienne. Il ne m'a pas laissé de quoi construire ce récit-là dans ma tête. J'en ai construit un autre, bancal et plein de contradictions. Tant pis, je le garde. Dans ma version aussi, il y a un enemi.

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